Amphores africaines

[Claude Raynaud]


Omniprésentes dans les provinces de Méditerranée occidentale entre le IIIe et le VIIe siècle, les amphores africaines alimentent un courant dominant du commerce de l'Antiquité romaine. Les premières productions proviennent de Tripolitaine, dès la période tardo-républicaine, mais elles restent peu fréquentes jusqu'au début du IIIe s. La diffusion prend ensuite son essor aux IIIe et IVe s. avec les productions de type Tripolitaine 3, et surtout Africaine 1 et 2, amphores à corps cylindrique fabriquées principalement en Byzacène, mais probablement aussi en Proconsulaire, dont la forme sera reprise par les générations ultérieures. On associe traditionnellement ces conteneurs au transport de l'huile, comme l'attestent certaines marques peintes, mais ils pouvaient aussi contenir des saumures, comme l'atteste la découverte d'exemplaires d'Africaine 2 poissés contenant des résidus de poissons ou de crustacés (Lequément 1975 et 1976; Laubenheimer 1990a, 139-140). De Maurétanie Césarienne proviennent au même moment, mais en quantité modeste, des amphores à fond plat de type Dressel 30, imitant les amphores Gauloises 4 et vraisemblablement vouées au transport du vin (Lequément 1976). Un autre type d'amphore globulaire semble fabriqué en Tripolitaine (type Agora M254), probablement aussi pour la commercialisation du vin.
Une seconde génération d'amphores cylindriques, de moyenne dimension, remplace progressivement les types précédents au début du IVe s.: type 25 de Keay essentiellement, aux nombreuses variantes parfois difficiles à dissocier des types Africaine 2d et pouvant provenir d'ateliers voisins.
Cette forme est reprise au début du Ve s. par deux nouvelles générations: les amphores cylindriques de grande dimension et les petites amphores du type spatheion. Ces dernières reproduisent dans un premier temps la forme cylindrique à épaulement et à bord en collerette (type 26/1), puis elles sont remplacées vers la fin du siècle par de nouvelles et nombreuses variantes, de taille encore plus réduite. Nous les regroupons provisoirement dans le type 26/2, caractérisé par un épaulement moins marqué, une panse plus fuselée et un bord en amande ou en bourrelet cannelé. Ce dernier type, dont il reste à cerner les sous-types, est largement diffusé durant le VIe et une bonne part du VIIe s. Il connaît en Méditerranée orientale de fréquentes imitations qu'il est parfois malaisé de distinguer de leurs homologues africains. On retrouve pour ces modèles réduits la même diversité de contenu que pour les vases de moyenne ou grande dimension: vins ou sauces pour les exemplaires poissés, olives...
Parmi les amphores cylindriques de grande dimension, on distingue désormais trois générations. La première domine jusque vers le milieu du Ve s. (types 27, 35, 36, 59 pour les plus communes); elle est progressivement relayée par un second groupe (types 8b, 55, 56) qui prédomine jusqu'au début du VIe s., puis est supplanté à son tour par des amphores de forme analogue, mais se distinguant par des dimensions encore plus grandes, pouvant contenir jusqu'à 90 l, et par un pied annelé (types 8a et 62).
Ces dernières productions sont diffusées probablement jusqu'à la fin du VIe s. au moins, d'autres types comme la forme 61 prenant le relais durant la seconde moitié de ce siècle et au VIIe s., comme l'attestent plusieurs contextes du Midi gaulois, une épave (Jézegou 1980), le port de Marseille (Bonifay 1986, Pieri à paraître), mais aussi des habitats ruraux où il est possible que certaines productions soient encore importées au début du VIIIe s. (C.A.T.H.M.A. à paraître, sites du Bouquet et de Dassargues).
Les fragments d'amphores africaines sont aisément identifiables par leur pâte fine et dure à dominante orangé ou rouge-brique et par leur surface extérieure de couleur crème ou jaune clair. Cette dernière caractéristique serait liée à une réaction chimique se produisant lors de la cuisson et s'expliquant par la présence de sel dans l'eau ayant servi à préparer la pâte (Fulford 1984). Parfois, on observe sur cette pâte un engobe gris ou blanchâtre. A côté de cette pâte 'classique' (pâte D), on trouve de nombreuses variantes de portée géographique et/ou chronologique, dont on rappellera les quatre principales. Les productions tripolitaines se distinguent généralement par une pâte bicolore, rouge brique au coeur et grise sur une épaisseur de 1 à 3 mm en surface, contenant un abondant dégraissant blanc et fin, avec parfois de nombreux points d'éclatement superficiels (pâte E). On note aussi, parmi les productions tardives une pâte tendre et légèrement feuilletée, rouge-orangé clair ou beige, avec de nombreuses et petites inclusions blanches et une surface blanchâtre, usée, pulvérulente (pâte C); une pâte rose orangé poreuse mais dure, à petites inclusions blanches, noires et rouges et surface blanc jaunâtre (pâte A); une pâte orange à rouge brique, dure avec de rares petites inclusions blanches et rouges et à surface jaune vif (pâte B); ou encore une pâte blanc-rosé à surface verdâtre craquelée, attestée de manière accidentelle aux époques anciennes puis devenant fréquente au VIIe s. (pâte F).
Cette diversité technique montre à l'évidence l'existence de nombreux ateliers, disséminés dans plusieurs régions. En dépit de prospections ponctuelles, notamment par des équipes tuniso-anglaises dans la région du Sahel (Peacock 1989), la connaissance générale demeure limitée faute d'une enquête cohérente, notamment pour ce qui concerne la typologie des productions. Cinq grands ateliers urbains sont connus en Byzacène, Neapolis-Nabeul, Hadrumetum-Sousse, Leptis Minor, Sullecthum-Salacta et Thaenae-Slax. On connaît aussi des fours près de Carthage, ainsi que de nombreux centres secondaires qui attendent un inventaire raisonné. L'un des problèmes tient à ce qu'un atelier pouvait produire plusieurs types d'amphores, tandis que plusieurs ateliers différents pouvaient fabriquer un type analogue: mais ce trait n'est en rien caractéristique de l'Afrique et concerne par exemple aussi les ateliers de Gaule.
Prolongeant la tradition punique, la production d'amphores africaines sous l'empire a été mise en évidence dès 1969 (Zevi 1969), mais la classification de base a été établie dans la publication des fouilles d'Ostie (Panella, dans Ostia III, Manacorda, dans Ostia IV), et dans une synthèse intégrant notamment les données sur l'Afrique mais s'interrompant au début du Ve s. (Panella 1982). Cette base fut complétée par la typologie établie à partir du mobilier recueilli en Catalogne, particulièrement enrichissant pour les dernières productions amphoriques africaines (Keay 1984). La classification de Keay pose cependant certains problèmes de définition, notamment à propos du type 25 dont les 30 variantes (classées de A à Z4) restent imprécises -il semble préférable de les laisser groupées à l'intérieur de trois sous-types définis par l'auteur-. Plus récemment, des études plus ponctuelles mais plus fournies en références stratigraphiques et chronologiques ont encore affiné la connaissance des productions tardives, dont l'étude de synthèse reste à faire mais que l'on suit bien désormais jusqu'au VIIe s., en Ligurie à Finale (Murialdo 1988), à Rome (Whithehouse 1982), en Provence à Marseille (Bonifay 1986, Pieri à paraître), Arles (Congès 1991), Toulon (Berato 1986) ou Saint-Blaise (d'Archimbaud à paraître). Nous avons synthétisé l'apport de ces différents travaux, conservant pour les productions anciennes la classification d'Ostie, communément utilisée pour les types Africaine I et II ou Tripolitaine I à III et leurs variantes, tandis que les formes plus tardives ont été classées selon le code de S. Keay, dont certaines formes rarissimes ou certaines variantes incertaines ont été écartées. Ces deux classifications, précisées de façon notable au plan des datations ou des variantes par les découvertes récentes, sont mentionnées en chiffres arabes pour les besoins de l'exploitation informatique associée au projet.

Etudes régionales de référence pour les amphores africaines

Afrique du nord: Panella 1982; Fulford 1984; Peacock 1989.
Italie: Panella, dans Ostia III; Manacorda, dans Ostia IV.
Gaule méridionale: Bonifay 1986; Congès 1991.
Catalogne: Keay 1984.

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