Amphores puniques ébusitaines
[Andres M. Adroher Auroux]
Le groupe des amphores puniques ébusitaines a été distingué des amphores puniques pour deux raisons: d'une part le développement des recherches sur cette production particulière, sur la base des découvertes faites par J. Ramon (Ramon 1981; Ramon 1991), qui a aussi proposé une typologie complète, adoptée ci-après; d'autre part la mise en évidence par ces travaux de caractères techniques, d'une évolution interne et de zones de commercialisation tout à fait différents de ceux du groupe traditionnellement défini comme phénico-punique. Il s'agit en fait d'une série homogène, qui doit être étudiée comme telle.
La typologie des amphores puniques ébusitaines est hiérarchisée selon plusieurs niveaux. Le sigle PE qui précède les numéros de forme fait référence au groupe de production. Les formes sont ensuite classées avec deux chiffres, le premier indiquant une classe de formes, le second une variante dans cette classe. La classe, telle que la définit Ramon 1991, fait référence à la tradition dans laquelle s'insère la forme: ainsi la classe 1 englobe tous les types qui relèvent de la tradition phénicienne et leur évolution locale, jusqu'aux formes récentes caractérisées par un profil biconique; la classe 2 inclut les 'imitations' d'origine hellénique, italique ou hispanique: ainsi les formes dérivées de prototypes massaliètes ou gréco-italiques. La troisième classe comprend les dérivées de productions d'ambiance punique, documentées à partir de l'imitation de l'amphore 'Maña C'. La quatrième classe comprend d'autres imitations de productions exogènes, dont on suppose qu'elles concernaient d'autres denrées que le vin: ainsi une forme s'inspirant de l'amphore Dressel 7/11.
Les aspects techniques qui caractérisent les amphores puniques ébusitaines sont les suivants: pâte peu dure, à cassure irrégulière, homogène, sans dégraissant ajouté, mais contenant des grains de calcaires fins ou moyens, des particules grises ou rougeâtre, et surtout une proportion variable de parcelles de mica. La couleur de la pâte est marron clair, mais peut présenter aussi des altérations jaunes à roses, disposées parfois en plusieurs couches (pâte de type 'sandwich'). Les parois ne portent pas d'engobe, mais la caractéristique de la surface externe est la présence de nombreuses rainures, souvent profondes, consécutives au tournage. Cette caractéristique se retrouve non seulement dans la classe 1 de tradition locale, mais aussi dans les autres classes imitant des prototypes extérieurs.
La diffusion de ces amphores varie selon le type et la chronologie: elle apparaît aujourd'hui assez large, depuis les premiers produits imitant les amphores phéniciennes au début du VIe s., jusqu'à la période de romanisation des îles, et même le Ier s. de n.-è. Néanmoins, l'aire de diffusion ne semble pas pour l'instant dépasser vers le sud Murcia (sauf un exemplaire isolé en Andalousie), et ne paraît guère pénétrer la zone d'influence directe de Marseille. La présence des amphores punico-ébusitaines est par contre bien attestée dans la zone côtière de la Catalogne et du Languedoc occidental, surtout dans la période Ve-IIe s. av. n.-è., après quoi sa diffusion est très réduite.
Un problème encore non résolu est celui du contenu de ces amphores: d'après J. Ramon, la plupart auraient servi à transporter du vin, mais d'autres possibilités existent, en fonction des capacités de production agricole des Iles Baléares, notamment en matière d'huile.
Pour la bibliographie, on se reportera principalement à Ramon 1991, où la plupart des attestations de ce type d'amphore ont été relevées.