Céramique Claire B

[Claude Raynaud]

En Gaule du Sud-Est, la céramique sigillée rouge cède progressivement la place durant le second quart du IIe s. à ce qu'il est convenu d'appeler la sigillée claire B. Fortement inspirée de la précédente dans son répertoire de formes et dans certains décors, cette nouvelle vaisselle de table se singularise cependant par l'introduction de formes nouvelles et plus encore par sa couleur à dominante orangée. Réalisés selon une cuisson en mode A, les vases sont à pâte rose ou orangée, fine et dense, et portent un revêtement adhérent, épais et brillant, orangé à brun clair. Ces variations de couleur se retrouvent assez souvent sur un même vase, avec parfois dans les tons les plus sombres des reflets métallescents. Le critère de la couleur du vernis, que l'on a cru pouvoir utiliser comme élément de datation en opposant une première génération de couleur orangé uniforme, la claire B 'classique', à une seconde génération aux tons plus variés, parfois appelée 'préluisante', ne peut donc plus être retenu en ce sens. A côté de cette production majoritaire, on connaît plus exceptionnellement des vases cuits en mode B, de typologie et de nature analogue aux précédents, mais de couleur gris pour la pâte et gris foncé à noir pour le vernis.
Le répertoire conserve la diversité des formes et des fonctions de la sigillée rouge, juxtaposant bols, coupes, couvercles, plats et assiettes, cruches, pichets et gobelets. La décoration conserve aussi une part de cet héritage mais les vases lisses dominent largement par rapport aux vases décorés. Ceux-ci sont exceptionnellement décorés au moule -uniquement la forme héritée de SIG-GA Dr37-, ou plus fréquemment au moyen de médaillons d'applique, parfois aussi d'excisions géométriques ou encore de dépressions, de reliefs à la barbotine; mais le mode majeur est le guillochis ornant bords à marli ou hauts de panse.
Elle émane d'anciens ateliers de sigillée rouge reconvertis, comme celui de la Graufesenque près de Millau (Vernhet 1977), ou de nouveaux centres que la densité de trouvailles et les analyses physico-chimiques invitent à situer dans la vallée du Rhône entre Lyon et Vienne, ou encore près d'Alba (Desbat 1986B). L'un de ces ateliers a été découvert près du village de Saint-Péray (Ardèche): on y produisait conjointement céramiques communes et céramiques fines. La production fine de cet atelier compte une quarantaine de types parmi lesquels une majorité de formes déjà connues; mais aussi quelques types inédits (Desbat à paraître).
La céramique claire B apparaît sur les sites consommateurs entre les années 120 et 140 et occupe une place dominante au sein des céramiques fines jusque dans les années 230-250. Elle est ensuite concurrencée puis progressivement remplacée par la céramique luisante, sans que les modalités et la chronologie de cette substitution soient encore clairement perçues. L'atelier de Saint-Péray atteste une production au moins jusqu'à la fin du IIIe s., l'évolution se traduisant par des variantes nouvelles à partir de types anciens. Un site utilisateur du Languedoc, Lunel-Viel, confirme cette continuité grâce à d'abondants contextes stratigraphiques (Raynaud 1990, 151-197).
En conséquence il est souvent difficile, voire impossible, de distinguer des types voisins en Claire B et en Luisante, ou à fortiori des fragments de panse, particulièrement pendant la phase de concurrence des deux catégories au IIIe s. où, hormis quelques vases canoniques, la séparation reste problématique sans analyse de laboratoire. Nombreux sont les archéologues ayant fait l'expérience de fragments d'abord classés en deux lots sur la foi de la couleur et de l'aspect, qui s'avèrent lors du collage appartenir au même vase. Pour cette raison, la pratique commune consiste à inventorier ensemble ces deux productions au niveau des comptages de fragments, sous l'appellation Claire B/Luisante, puis de les dissocier dans l'identification des types, seuls à même de se classer avec certitude dans l'une ou l'autre catégorie.
L'aire de diffusion de la Claire B est circonscrite dans le quart sud-est de la Gaule, avec une nette prédominance dans la région alpine, le couloir rhodanien, la Provence occidentale et le Languedoc oriental. Au-delà, la diffusion se prolonge plus modestement en Ligurie, en Catalogne et Toulousain, vers le nord en Bourgogne et Franche-Comté. Un commerce plus lointain et plus diffus se fait aussi sentir en Italie (Ostie), dans les îles (Corse, Sardaigne, Baléares), plus discrètement encore en Afrique du Nord. Dans le détail, on observe d'importantes différences dans la répartition micro-régionale, mais une étude précise reste à promouvoir.
En raison des nombreuses affinités entre Claire B et Luisante et des problèmes d'identification qu'elles posent, on a parfois tenté de reposer le problème en groupant ces productions sous le terme général de 'céramiques à revêtement argileux', ou à 'vernis argileux' (Paunier 1977, Desbat 1980, Desbat 1986a). Tout en dénonçant les fausses certitudes des classifications anciennes, peut-être trop tranchées, cette démarche ne règle rien en définitive, l'appellation nouvelle restant trop vague et pouvant s'appliquer indifféremment à de nombreuses productions présentant le même type de revêtement argileux. Ce regroupement va aussi à l'encontre des résultats d'analyses physico-chimiques montrant une séparation tranchée entre le faciès rhodanien des argiles utilisées pour la fabrication des Claires B, et le faciès alpin des pâtes de la Luisante.
Pour la typologie, les classifications initiales de N. Lamboglia (1958 et 1963) ont été avantageusement remplacées par un ouvrage consacré à la céramique Claire B des fouilles de Lyon (Desbat 1980), repris sans changement pour les types 1 à 89 dans le présent Dictionnaire. Sont classés à la suite les formes absentes à Lyon (Lamboglia 1958, 1963: types 101, 102, 104 ; Darton 1972: types 90 et 113; Desbat à paraître: types 91, 103 et 105-112). On a conservé pour ces derniers le parti de séparer formes fermées, prolongeant le répertoire de Desbat, et formes ouvertes classées à partir du numéro 101. Les numéros 92 à 100 restent vacants dans l'attente de formes fermées nouvelles, ainsi que les numéros suivant 113 pour les formes ouvertes. Les productions non rhodaniennes, provenant de la Graufesenque, possèdent un code spécifique précédé de la lettre G (Vernhet 1977, types G1 à G5). Quelques regroupements de formes voisines, perçues plus comme des variantes que comme des types, ont été opérés au sein des typologies initiales, se traduisant par la disparition de certains numéros typologiques, seule la première occurrence étant retenue dans le code typologique (exemple: le type 20 représente la fusion des types 20 à 23). Les numéros devenus vacants de ce fait n'ont pas été attribués à d'autres types afin de respecter la logique des typologies initiales et d'éviter toute confusion. Au contraire, certains types on été fractionnés en sous-types a, b, c... lorsque apparaissaient des variantes singulières, avec généralement une valeur chronologique (exemple 66a et 66b). Enfin, plusieurs types encore incomplètement identifiés, comme les formes 9 ou 26 de Saint-Péray, ont provisoirement été laissés de côté afin d'éviter toute attribution fallacieuse.

Etudes régionales de référence pour la céramique Claire B

Vallée du Rhône, Provence: Desbat 1980; 1981; 1986A; 1986B; 1987 et à paraître.
Languedoc: Vernhet 1977; Raynaud 1990.

Types