Céramique non tournée protohistorique de l'Empordà et des régions voisines


[Enriqueta Pons]


La céramique non tournée de l'Age du Fer de l'Empordà est une poterie façonnée à la main, soit par montage au colombin, soit par étirement, et qui n'a pas recouru la technique du tour, bien qu'à partir de la fin du IIIe s. av. n. è. on constate déjà l'usage d'un tour lent pour finir certains vases. C'est une céramique essentiellement domestique: cuire, bouillir, transporter, stocker, conditionner, quelques fois servir ou manger, de la cuisson jusqu'au service de table, de la cuisine au dépôt.
Les principales caractéristiques de cette poterie ont peu varié depuis son origine préhistorique. Elle se caractérise par l'ajout à l'argile de particules minérales de taille plus grande, d'origine surtout granitique: quarzite ou micas, mais aussi souvent calcite. Sa cuisson, généralement, est de type oxydante, mais se fait toujours dans des foyers ouverts, à température peu élevée, ce qui donne des colorations variées, du marron-rougeâtre au gris foncé.
La finition des surfaces est plus soignée au début de l'Age du fer qu'à la fin. Les coupes ou les petites urnes destinées à la table (servir, boire...) présentent un lissage fini ou ébauché, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, tandis que pour les formes fermées, dites 'urnes' (pots et jarres), la surface est plus soignée dans la partie haute, du bord jusqu'à l'épaule, que dans le reste du corps, où la surface est laissée volontairement brute; la séparation entre les deux zones de finition est presque toujours soulignée par une décoration: incisions, impressions et surtout cordons impressionnés. Ces urnes ont souvent des systèmes de préhension, soit une anse, soit deux anses opposées, soit des mamelons ou oreilles.
La variété des formes et la qualité de leur façonnage régresse vers le milieu du IIe s. av. n. è., où, avec la romanisation, la céramique tournée remplace désormais presque toutes les fonctions des vases traditionnels.
Les études consacrées à la céramique non tournée de l'Age du Fer en Catalogne sont encore embryonnaires. Assez développées pour la première période de l'Age du Fer, elles sont limitées pour le Deuxième Age du Fer où, bien que la période ibérique ait été subdivisée en plusieurs phases, la céramique non tournée a été longtemps considérée comme un monde uniforme, dénommée vulgairement 'indigène' et exceptionnellement décrite et dessinée.
Malgré tout, il est possible de suivre en Empordà une évolution de cette céramique depuis le Bronze Final jusqu'au IIe s. av. n. è. Plusieurs études des éléments de formes ont été réalisées (Pons 1981; 1984; Riera 1978; Toledo 1982; Vilà 1985). Pour les formes complètes, divers essais ont tenté d'établir une sériation des formes courantes caractéristiques de chaque gisement (Gracia 1984; Riera 1980; Pons 1981; 1984; Toledo 1982).
La typologie proposée ici, qui concerne tout l'Empordà, a utilisé les travaux de Gracia 1984, Pons 1981 et 1984. Parmi les bases de ce travail, on retiendra le répertoire très varié du gisement d'Ullastret, dont les céramiques non tournées ont été étudiées par Riera 1978 et publiées sommairement dans Riera 1980 et 1983; et la classification établie à Puig Castellet, gisement ibérique du IIIe s. av. n. è. (Pons 1981). On a utilisé par ailleurs des données inédites conservées au Centre d'Investigations Archéologiques de Girona, qui réunit une documentation sur tous les villages ibériques de la zone.
Parmi les quatre catégories de forme retenues (urnes, coupes, jattes et couvercles), on remarquera la grande quantité d'urnes de format moyen et petit, tandis que les coupes, les coupelles et les jattes sont moins nombreuses. Les urnes présentent des formes et des décorations très variées jusqu'au IVe s. Au IIIe s., les formes se font plus petites, se standardisent et se simplifient: urnes sans col, en forme de tonneau, etc... (Pons 1981).
La vaisselle non tournée est toujours plus fréquente dans les habitats que dans les nécropoles: son utilisation funéraire disparaît plus rapidement. Vers la fin du IIIe siècle, il est très rare de trouver des urnes non tournées dans les tombes. Remarquons aussi que dans cette dernière étape, on rencontre de nombreuses formes miniatures dans les habitats (fonction ludique?), mais aussi dans les nécropoles, avec sans doute un autre sens (rituel ?).
Bien que l'étude repose encore sur l'analyse d'un petit nombre de gisements (Ullastret: Riera 1978; Puig Castellet: Pons 1981; Empordà: Pons 1984), il apparaît clairement que chaque site a fabriqué cette céramique pour couvrir ses besoins propres, et que la diffusion n'a pas dépassé son territoire. On peut par exemple signaler dans le cas d'Ullastret l'existence de deux formes originales: la petite urne avec ou sans anse qui plus tard servira de modèle aux gobelets gris de la côte catalane, et les coupelles à deux tetons jumelés et perforés: deux formes bénéficiant d'une finition très soignée, qui semblent avoir été dédiées au service de table et à la boisson, tandis que le reste des vases était plutôt utilisé pour la cuisson et le stockage.

Etudes régionales de référence pour les céramiques non tournées protohistoriques de l'Empordà et régions voisines

Bronze Final et transition Bronze/Fer: Almagro 1955; Palol 1958; Toledo 1982; Pons 1984; 1986; Gracia 1984..
Age du Fer, période ibérique: Riera 1978; 1980; 1983; Pons 1981; Vilà 1985; Maya 1985.
Période de romanisation (IIe-Ier s.) : Nolla 1977.

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