Céramique estampée grise et orangée
dite 'dérivée de sigillée paléochrétienne'
[Claude Raynaud]
Ultime production de la famille des vaisselles fines de Gaule méridionale, la céramique estampée traditionnellement dénommée 'dérivée de sigillée paléochrétienne' présente un aspect général voisin de celui des céramiques Claire B et luisante (Février 1979, 174; CATHMA 1986, 40-42; Rigoir 1968; 1987). Les décors estampés sont très fréquents mais affectent différemment les catégories de vases. Presque systématiques sur les formes ouvertes, assiettes et bols, ils sont peu fréquents sur les formes fermées, urnes, ollas et cruches, et rares sur les mortiers. En raison de leur variété et de leur abondance, ces décors ne sont pas systématiquement commentés dans les notices de la présente classification et nous renvoyons pour leur analyse aux études spécialisées de J. et Y. Rigoir. Seuls les éléments décoratifs participant à la singularité et à la définition d'une forme ou d'une variante sont présentés.
En dépit de nombreuses nuances liées à la diversité des régions productrices et des ateliers, la céramique estampée se caractérise par sa pâte calcaire fine de dureté moyenne, parfois tendre sur les produits de médiocre qualité, et par un engobe fin et transparent le plus souvent, parfois épais avec une tendance à s'écailler, surtout sur les productions orangées. Son répertoire, dont la typologie a été dressée par J. et Y. Rigoir, emprunte à des sources diverses, céramique luisante pour plusieurs types de bols et coupes, céramique africaine pour les plats, céramique commune régionale pour d'autres types, mortiers, couvercles, cruches et bols. Le décor, qui ne concerne qu'une partie de la production, se fait surtout par estampage de poinçons après le tournage des vases, mais les guillochis sont assez fréquents et souvent associés aux poinçons (voir une recension des études successives dans Rigoir 1987).
Cette poterie connaît une large diffusion dans les provinces occidentales, couvrant la moitié sud de la France avec quelques incursions ponctuelles le long de la Seine (Rouen et Paris), la Suisse Romande, le littoral méditerranéen d'Espagne, la côte ligure et les îles (Baléares, Sardaigne et Corse). La diffusion se fait sporadique en Grèce et en Afrique du Nord où seuls l'Algérie et le Maroc sont touchés, tandis que la Tunisie, grande exportatrice de vaisselle, n'en livre pas. Trois aires de production se distinguent: le groupe atlantique, le groupe languedocien et le groupe provençal, mais on connaît aussi des productions plus locales en Suisse et en Espagne.
La caractéristique principale du groupe languedocien réside dans une large utilisation de la cuisson oxydante, qui concerne 30 à 90% des vases selon les ensembles étudiés. Cette production se distingue aussi par sa grande maîtrise technique, par un répertoire de formes restreint et par la finesse et la densité de sa décoration. L'engobe, gris, rouge-brique, orangé ou ocre-jaune, brillant et adhérent, présente parfois un aspect métallique. La carte de répartition des céramiques répondant à ces particularités englobe une vaste aire de diffusion régionale: bordure sud du Massif Central, arrière pays audois, Toulousain, plaine du bas Languedoc et rive droite de la basse vallée du Rhône. Les exportations de ces produits se retrouvent en Corse, sur la côte espagnole et au Maroc. La production languedocienne est la plus précoce, faisant son apparition dans la seconde moitié du IVe s. Sa présence est ensuite bien attestée jusqu'au milieu du Ve s. mais il reste difficile de fixer la fin de sa fabrication et l'évolution de sa typologie. L'étude stylistique et technique incite à envisager l'existence de deux grands ateliers ou groupes d'ateliers, l'un à Narbonne, l'autre à Carcassonne. D'autres ateliers plus modestes contribuèrent à la production sans connaître une large diffusion, à l'image de l'officine découverte à Générac, près de Nîmes, qui produisait essentiellement des lampes, de la vaisselle culinaire (mortiers, jattes) et quelques vases décorés (Raynaud 1982).
L'apparition des productions provençales n'est sensible que dans les dernières années du IVe s., et la grande période de production et de diffusion concerne le Ve s. Ses traits dominants sont une cuisson presque toujours réductrice et un engobe de qualité plus irrégulière que dans le groupe languedocien. Un groupe de facture particulièrement soignée se singularise par son aspect métallique et pourrait provenir d'un atelier proche de Marseille, tandis que les produits moins fins semblent sortir de multiples petits ateliers. Le répertoire est plus varié qu'en Languedoc, avec une abondance particulière des plats et assiettes à marli, ainsi que des bols de type D-S-P 18. La décoration est moins riche que dans le groupe languedocien mais assez soignée. Vers la fin du Ve et au VIe s., la production reste soutenue mais sa qualité se dégrade. La pâte devient très irrégulière, les décors imprimés se font rares et sont parfois remplacés par des décors polis, le répertoire des formes s'appauvrit avec la disparition des assiettes et la prééminence de la vaisselle culinaire, mortiers et urnes, formes très proches de la céramique commune dont cette production tardive ne se distingue guère. La fin de cette production grossière n'est pas cernée mais pourrait se situer au VIIe s.
La production aquitaine, la plus homogène et la plus restreinte, est toujours grise et semble provenir d'un seul atelier ou d'un groupe restreint restant à découvrir mais que l'on verrait bien à Bordeaux ou dans ses environs (Rigoir 1987, 330). Typologiquement, elle se singularise par la prédominance des formes ouvertes, plats et assiettes représentant les trois quarts de la production. Chronologiquement, on la situe généralement au VIe s., mais son évolution interne et ses termini restent à préciser.
Le principal problème de l'étude des D-S-P réside dans la rareté et l'imprécision des éléments de datation, imputables autant au faible nombre des ensembles clos de référence qu'à la longue durée -apparente ou réelle-? de la production de certaines formes. Pour cette raison, les datations proposées pour chaque forme restent presque toutes lâches, couvrant généralement un à deux siècles. Les études les plus récentes sur la question font état de premiers progrès dans ce domaine, mais il s'agit encore de données relativement ponctuelles (Rigoir 1987A et 1991).
Etudes régionales de référence pour la céramique estampée grise et orangée
Provence : Rigoir 1978; 1985.
Languedoc oriental : Rigoir 1972; Massal 1979; Raynaud 1982.
Languedoc occidental : Rigoir 1991; Courtieu 1980; Bourgeois 1979.
Catalogne : Rigoir 1971; Caballero 1975.