Céramique commune à pisolithes du Languedoc oriental


[Claude Raynaud]


Cette céramique à pâte granuleuse se distingue aisément grâce à la présence de nombreuses pisolithes, grains ovoïdes de 0,5 à 1 mm de diamètre, durs et de couleur sombre variant du rouge-brique au noir. Les analyses de laboratoire ont montré que cette production utilise une argile kaolinitique (CATHMA 1986, 50), ce qui explique la dureté et la densité de la pâte. Celle-ci connaît les mêmes variantes de cuisson que les autres productions communes, mais les couleurs sont généralement plus sombres: rose-brique à brun foncé pour les post-cuissons oxydantes, gris à noir pour les post-cuissons réductrices. La surface est douce mais fréquemment bosselée à cause des pisolithes, et parfois craquelée. Exceptionnellement, les vases trop cuits présentent en surface des points d'éclatement de pisolithes, comparables aux points de chaux de certains vases à pâte sableuse.
La morphologie des vases renforce la singularité de cette production qui comporte un large répertoire de vases culinaires: plats, marmites, urnes, mortiers, mais aussi des services de table: assiettes, bols et pichets. Tous ces vases présentent des traits communs: fonds épais, plats ou légèrement concaves, marqués par un petit bourrelet au bas de la panse, parois épaisses, panses globulaires ou faiblement carénées, cols courts, moulures empâtées, bords lourds, en amande le plus souvent. Les urnes, généralement de petite taille, portent rarement une anse et se rapprochent alors des vases à verser, plus pichets que véritables cruches (types G). En règle générale, l'aspect trapu et massif des vases distingue nettement cette vaisselle des autres céramiques communes, malgré l'existence de plusieurs formes analogues. Un autre trait distinctif réside dans la prépondérance des formes ouvertes, plats et marmites, qui au contraire sont minoritaires parmi les communes sableuses.
Apparue dans le dernier tiers du IVème s. puis devenue majoritaire du début du Vème au début du VIème s., la céramique à pisolithes se situe à un tournant décisif dans la production commune languedocienne. Elle marque en effet le début de la fabrication exclusive de poterie kaolinitique, trait majeur de l'artisanat potier du haut Moyen Age. Les productions sont exclusivement à post-cuisson oxydante jusque vers le milieu ou le dernier tiers du Ve s., puis cette technique est concurrencée par la post-cuisson réductrice qui elle-même devient exclusive vers le début du VIe s., autre trait caractéristique du processus de 'médiévalisation' de l'artisanat potier. Pour cette raison, la technique de cuisson constitue un indice chronologique significatif, le rapport quantitatif entre vases à post-cuisson oxydante ou réductrice permettant d'étayer les observations typologiques. On a donc mentionné pour chaque type s'il s'agit d'une production oxydante ou réductrice, la cuisson n'étant pas précisée pour les vases de couleur variable. La fin de cette production reste à situer, peut-être vers le milieu du VIe s., date à laquelle la poterie kaolinitique sans pisolithes semble devenir prépondérante.
La zone de diffusion s'étend largement autour d'un épicentre situé dans la région nîmoise, où l'on note la plus nette prépondérance de cette vaisselle. Le ou les ateliers producteurs restent à découvrir, dans une zone que certains indices situeraient dans la garrigue nimoise (Raynaud 1990, 243). Sa fréquence décroît progressivement lorsque l'on s'éloigne du Languedoc oriental, sans que l'on possède encore les données quantitatives nécessaires à une étude fine de son aire de commercialisation. Vers l'ouest, on la trouve en position dominante dans la garrigue montpelliéraine à l'Hortus, sur le littoral dans le bassin de Thau, puis elle devient minoritaire à Narbonne. Vers l'est, elle est fréquemment attestée à Arles mais devient plus discrète dans la Crau, à Saint Blaise et à Marseille. Vers le nord, elle se manifeste jusque dans la région de Bagnols-sur-Cèze.
La typologie reprend le principe de classement des céramiques communes gallo-romaines de Narbonnaise, chaque famille de forme étant désignée par une lettre: A pour les urnes, B pour bols, coupes et marmites, C pour les plats, D pour les mortiers, E pour les couvercles, G pour les pichets et gobelets, suivie d'un numéro de type indépendant des autres classifications régionales, et éventuellement d'une lettre désignant les variantes.

Etudes régionales de référence pour la céramique commune à pisolithes

Languedoc oriental: Raynaud 1982; 1983A, 1984; 1984A; 1984B, 1990.

Types