Céramique sigillée sud-gauloise


[Michel Passelac]


La sigillée sud-gauloise est une vaisselle de table standardisée, de qualité constante, omniprésente, quelle que soit la nature ou l'importance du site considéré, dans les régions méridionales. Ce produit, largement et abondamment diffusé de la période tibérienne, vers 15/20, à la première moitié du IIe s. constitue pour l'archéologue le 'fossile directeur' le plus sollicité. Les centres producteurs se localisent essentiellement sur la bordure méridionale du Massif Central, de l'Hérault à la partie occidentale du Tarn. Leur répartition s'organise autour de deux centres majeurs, La Graufesenque et Montans, qui ont fourni, avec Banassac, les neuf dixièmes d'un marché couvrant l'ensemble des provinces de l'Empire. Le sud-est de la Gaule et la Catalogne sont massivement irrigués par le centre de La Graufesenque, et fournis par Banassac dans une très faible mesure. La part prise par des ateliers comme Aspiran ou Jonquières, très faible également, ne dépasse guère, pour l'essentiel, le cadre d'une région limitée.
L'aspect des pâtes et des vernis est sensiblement différent selon les centres de production et varie également, dans le temps, à l'intérieur d'un même centre. Les vases de La Graufesenque présentent généralement une pâte fine, dure, beige rosé, constellée de très petits éléments blancs, et un vernis argileux grésé, rouge, brillant. Les variations affectent surtout le vernis, qui peut prendre une couleur lie-de-vin à la période tibérienne, et une brillance accrue autour du milieu du Ier s. De la présente classification ont été exclues les fabrications de La Graufesenque à vernis non grésés antérieures ou postérieures à la véritable production de sigillée (présigillée, claire B).
Le haut degré de standardisation de cette production favorise l'identification typologique à partir de simples fragments de bords. Les fonds peuvent être aussi utilisés, grâce aux détails de leur profil, à la présence ou à l'absence d'une estampille.
La typologie de la sigillée gauloise a été consacrée par la publication de F. Oswald et T.-D. Price (Oswald 1931) et par l'usage. Elle associe plusieurs classifications partielles élaborées lors de synthèses anciennes (Dragendorff 1895; Déchelette 1904; Knorr 1919) et pour la publication de sites de consommation (Curle 1911; Ritterling 1913 ). Celle de Hermet (Hermet 1934) est utilisée en complément des formes principales. Quelques formes enfin sont désignées par référence à des typologies établies sur les sites où elles ont été d'abord reconnues: Haltern 14, Vindonissa 13... Cette typologie constitue donc la base de notre classement, pour lequel nous avons utilisé les planches diffusées par A. Vernhet (Vernhet 1975) en les remaniant dans le sens d'une plus grande cohérence. Ainsi ont été regroupées les formes constituant les services flaviens selon un tableau structuré (Vernhet 1976). Sauf exception, les assiettes et les plats ont été regroupés sous les mêmes numéros. Seul le profil du pied en effet varie de façon systématique selon les diamètres.
La sigillée sud-gauloise est l'héritière de la sigillée italique dans ses formes, sa technique de cuisson et de décoration, ses thèmes ornementaux. Après une période initiale d'étroite dépendance au modèle arétin, elle acquiert sa personnalité par des innovations morphologiques et par la structure particulière de ses décors. Ainsi, dans la première phase de production, les formes lisses reproduisent très fidèlement les modèles italiques au point qu'il est parfois difficile de les en distinguer (SIG-SG Dr19, Dr17a, Dr17b, Dr24/25a, Ri1, Ri5a, Ri9a, Ha7, Ha14 et Ha16). Ces formes évoluent avec le temps et perdent certains de leurs caractères. Sous les flaviens, de nouvelles formes sont crées qui se distribuent en six services composés d'un bol, un plat creux, une coupelle à pied haut et un bol à fond plat (Vernhet 1976). Plus tard, à la fin du Ier s. et au début du IIe s., de nouvelles formes sont empruntées à la céramique culinaire (SIG-SG Cu11a et b, He33a et b...)
La céramique décorée connaît une évolution comparable, mais plus rapide, avec une courte phase d'imitation (Hoffmann 1992), puis la mise en place de types originaux (SIG-SG Dr29, Dr30, notamment, puis Dr37). Le style et l'organisation des décors, que l'on peut classer en six grandes périodes de production permet d'approcher à vingt ans près la chronologie (Vernhet 1979, 18):
- période d'essais: (10-20 de n. è): juxtaposition de petits motifs géométriques ou floraux.
-période primitive (20-40): décoration essentiellement végétale, soignée et sobre.
-période de splendeur (40-60): décoration végétale soignée jusqu'au maniérisme, motifs mythologiques, scènes de cirque ou de chasse, alternance de panneaux, sautoirs et médaillons.
- période de transition (60-80): décoration chargée, prépondérance de la symétrie, superposition de zones végétales; panneaux recoupés; remplissages baroques.
- période de décadence (80-120): décoration cloisonnée dans des panneaux rectangulaires; personnages; scènes érotiques.
- période tardive (120-150): décoration sans ordre ni symétrie, retour à la prédominance des motifs géométriques simples.
Acheminée d'abord par la voie du Larzac, la sigillée de La Graufesenque a touché tous les sites gallo-romains des régions méditerranéennes soit par voie terrestre, soit par le relais du port de Narbonne (Fiches 1978). Jusqu'à la limite orientale du Lauragais (Bram), elle ne se heurte pas à la concurrence des productions de Montans. Son abondance traduit l'ampleur d'un phénomène de production dont la complexité n'est pas totalement démêlée. Reflet populaire de la société gallo-romaine, cette céramique est aussi facteur et traceur de la romanisation. Dans le détail, l'analyse de sa répartition peut refléter des pratiques commerciales de partage du marché et des différences de goût ou d'habitudes des acheteurs.

Etudes régionales de référence pour la céramique sigillée sud-gauloise

Provence: Gérard 1986.
Languedoc: Vernhet 1986; Fiches 1975; 1977; 1978A; 1978B; Dedet 1974A; Garcia 1981; Arnal 1974.
Catalogne: Nieto 1986; 1989.

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